Popcorn #9 : Forever

Forever affiche

Un immortel qui se balade sur Terre dans l’anonymat le plus complet, ce n’est pas la première fois qu’on le voit, et sûrement pas la dernière. La différence avec cet immortel-ci, c’est qu’il est médecin-légiste, qu’il aide à résoudre des enquêtes, et qu’il n’est pas tout à fait anonyme dans son don – ou sa malédiction – de vivre éternellement. Forever pour les anglophones, Éternel pour le Québec ; une série de 2014 à unique saison de 22 épisodes, un format classique et à la fois suffisamment long pour permettre de lancer des intrigues et des fils à suivre jusqu’à la fin de saison.

Humour noir et serré à la barre, hémoglobine dans le tiroir, fausses pistes en nombre, et réflexions philosophiques pour compléter le tableau. Cette série se compose d’enquêtes indépendantes les unes des autres, flash-backs de toute la vie d’Henry Morgan, notre médecin-légiste, et l’intrigue qui reste toujours présente en fond des épisodes, celle d’un autre immortel décidé à trouver Henry et mourir, tout comme lui. À la différence qu’Henry n’a que 200 ans, alors qu’Adam, cet étrange personnage sorti de l’ombre, en a plus de 2000.

Chaque enquête laisse au spectateur l’occasion d’admirer les techniques d’interrogatoire et la réactivité du duo de flics new-yorkais que sont Jo Martinez et Mike Hanson, bien que Mike soit plutôt secondaire comme personnage, n’ayant que peu de moments forts et une utilité somme toute assez restreinte. Toujours côté flic, on regrette aussi le peu de présence de Joanna Reece, leur supérieur ; au passage, on aurait voulu en savoir plus sur elle, voir sa personnalité se développer davantage. Ce panel de policiers ne fonctionnerait pas avec autant d’efficacité sans le formidable duo, attachant et marrant à souhait, que forment Henry Morgan et son assistant, Lucas Wahl. Et puis, il y a Abraham dans l’équation, ce vieil homme qui a vécu avec Henry et à qui l’on s’attache parce qu’il a un humour tordant et des mimiques parfaites à chaque situation ! Adam, cet homme si singulier qui n’a pas peur de la mort, froid et fascinant. Abigail, et quelques autres personnages qui passent de temps en temps.

Forever génériqueÀ la fois une série coup de cœur et une série frustrante, POURQUOI ? Parce que si chaque enquête est un plaisir à résoudre avec les élucubrations justes du médecin-légiste, les traits d’humour, les fausses pistes et la tension qui peut même se ressentir avant l’arrestation du vrai coupable, il y a quand même un gros point noir à ces résolutions. La cohérence n’est en effet pas toujours au rendez-vous et laisse le spectateur avec une moue désapprobatrice, ou dubitative. Les nombreux flashbacks, bien que nécessaires pour comprendre la vie d’Henry et son avenir, manquent aussi parfois de saveur, surtout lorsqu’il s’agit de sa vie avec sa femme, Abigail ; une histoire d’amour créée pour être un conte de fée, la magie ne prend malheureusement pas avec moi. Ce qui me fait grogner un peu à chaque épisode, c’est le côté « moralisateur » que certaines réflexions donnent, c’est bien dommage qu’il y en ait autant, mais qu’attendre de plus d’un homme qui a vécu aussi longtemps, et qui a dû regarder le monde évoluer sans se résoudre à suivre lui-même le mouvement ?

Et le coup de cœur, il vient d’où ? Je regarde assez peu de séries policières désormais, celle-ci date de ma grande période de visionnage et c’est son côté mystérieux, inexplicable, qui attire. Le fait qu’on sache qu’Henry et Adam sont atteints de cette « infirmité » qu’est l’immortalité, sans savoir comment ils ont reçu ce pouvoir, où comment ils pourraient s’en débarrasser. Tant de mystères qui auraient pu trouver une réponse claire, mais les scénaristes ont pris le risque de ne pas le faire, et c’est tant mieux ! Ça laisse la place aux hypothèses, aux théories farfelues, pas plus mal. D’autant que la série a été annulée et n’aurait de toute façon pas eu d’autre saison. Vu les pistes évoquées pour une autre saison, c’est sûrement mieux de s’être arrêté là. L’humour et l’excentricité parfois agaçante de ce cher Docteur Morgan. La relation touchante qu’il a avec son fils adoptif, Abe, et celle du duo explosif et comique avec son assistant, Lucas.

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Trop rare pour ne pas mériter quelques lignes : Forever est l’une des séries à duo d’enquêteurs qui ne se laisse pas prendre au piège de l’amour entre collègues. C’est ainsi qu’en fin de saison, on est soulagés de voir Henry et Jo comme un duo amical, avec quelques sous-entendus certes, mais surtout de la tendresse et de la confiance, une amitié qui fait plaisir à voir dans cette tendance épuisante à saturer les séries policières de couples ennuyants, sans surprises. Ici, il y a bien quelques amours : Jo avec Isaac, Henry avec Molly, des histoires sans avenir, touchantes malgré tout. On en vient seulement à espérer que chacun trouvera son soutien amoureux, après le travail de cicatrisation sur leur vie dévastée à plusieurs niveaux.

Les scénaristes font tenir l’histoire, parfois avec brio et frissons, d’autres fois avec des ratés monumentaux, mais sans interprètes, il n’y aurait pas de personnages aussi intéressants. Les acteurs parviennent à donner à chaque rôle un goût d’unique, une personnalité propre et de quoi se pencher sur chacun, de quoi s’y attacher et espérer en savoir plus, en voir plus. Y compris sur des personnages mineurs, invités. Celui que je retiendrais le plus, c’est Lucas et son manque de confiance en lui, caché derrière son humour et sa recherche d’approbation d’Henry. Adam, aussi, pour sa froideur calculée et l’humanité qu’il montre à certains moments, inattendue et bienvenue ; « avant d’être un monstre, il a été une victime », pour reprendre les mots d’Abraham.

Une série qui s’approche du coup de cœur, avec ses défauts criants et ses qualités aussi remarquables, dont celle de nous faire gober un peu de surnaturel et d’inexplicable dans un environnement qui n’a rien de magique ou de maudit. On regarde sans voir le temps passer, à quelques exceptions près. Chaque épisode a sa petite morale, mais je préfère surtout retenir les valeurs et les réflexions disséminées un peu partout, belles et vraies, accessibles à chacun, des situations par-ci par-là qu’on est susceptibles d’avoir vécu. En fin de compte, Forever, c’est l’éternelle humanité que l’on trouve partout, y compris dans le plus sombre. C’est dans l’humanité que le crime prend forme, parfois.

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